Les psaumes - Paraphrases multiples
Premier exemple : le Beatus Vir :
2- Mais qui prend son plaisir dans la loi de l'Éternel, et médite sa loi jour et nuit.
3- Il sera comme un arbre planté près des eaux courantes, qui rend son fruit dans sa saison et dont le feuillage ne se flétrit point; et dans tout ce qu'il fait, il réussira.
Voici les paraphrases qui en résultent. L’orthographe de l’époque est conservée :
Clément Marot
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Valentin Conrart |
ARGUMENT : Ce pseaume chante, que ceulx sont bien heureulx, qui regrettans les meurs, et le conseil des maulvais, s’adonnent à cognoistre, et mettre à effect, la Loy de Dieu : et malheureux ceulx, qui font au contraire. Chose propre pour consoler les bons. Qui au conseil des malings n’a esté,
Qui n’est au trac des pécheurs arresté, Qui des mocqueurs au banc place n’a prise : Mais nuict, et jour, la Loy contemple, et prise De l’Eternel, et en est désireux : Certainement cestuy là est heureux. Et si rien semblable à l’arbrisseau Planté au long d’un clair courant ruisseau, Et qui son fruict en sa saison apporte, Duquel aussi la fueille ne chet morte : Si qu’ung tel homme, et tout ce qu’il fera, Toujours heureux, et prospere sera. Version Marot – de Bèze |
Heureux celui qui, dès ses jeunes ans, S'est tenu loin du conseil des méchants, Qui des pécheurs fuit la trompeuse voie, Et des moqueurs la criminelle joie; Qui craignant Dieu, ne se plaît qu'en sa Loi, Et, nuit et jour, la médite avec foi. Tel que l'on voit, sur le bord d'un ruisseau, Croître et fleurir un arbre toujours beau, Et qui ses fruits en leur saison rapporte, Sans que jamais la feuille tombe morte; Tel est le juste, et tout ce qu'il fera, Béni d'en haut, toujours prospérera Version Conrart-La Bastide |
Ici Conrart fluidifie le style qui est propre à Marot.
Deuxième exemple : le Sicut servus, psaume 42
Voici une version d'aujourd'hui :
cherche l'eau vive,
ainsi mon âme te cherche
toi, mon Dieu.
3 Mon âme a soif de Dieu,
le Dieu vivant ;
quand pourrai-je m'avancer,
paraître face à Dieu ?
4 Je n'ai d'autre pain que mes larmes,
le jour, la nuit,
moi qui chaque jour entends dire :
'' Où est-il ton Dieu ? ''
Théodore de Bèze
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Valentin Conrart
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Ainsi qu’on oit le cerf bruire, Pourchassant le frais des eaux : Ainsi mon cœur qui souspire, Seigneur emprès tes ruisseaux, Va tousjours criant suivant Le grand, le grand Dieu vivant. Héla donques, quand sera-ce Que verray de Dieu la face… Version Marot-Bèze |
Comme un cerf altéré brame, Après le courant d’eaux, Ainsi soupire mon âme,
Seigneur, après tes ruisseaux :
Elle a soif du Dieu vivant ; Et s’écrie, en le suivant, Mon Dieu, mon Dieu, quand sera-ce, Que mes yeux verront ta face ? Pour pain je n’ai que mes larmes, La nuit, le jour, en tout lieu, Lorsqu’en mes dures alarmes, On me dit, que fait ton Dieu ? Version Conrart-La Bastide |
Troisième exemple, le psaume 51 dit Miserere, psaume pénitentiel
Laurent Drelincourt
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Valentin Conrart
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Grace ! Grace ! Pardon, souverain Roi des cieux, Efface mes forfaits par ta haute clémence, Fais-moi sentir l’effet de ta douceur immense, Et prends quelque pitié d’un pêcheur odieux : C’est en toi seul, mon Dieu, que mon espoir se fonde. Ne m’abandonne pas dans ce pressant besoin, Mais lave mille fois, et relave avec soin, De mon sale péché la tache trop profonde. Version Drelincourt |
Miséricorde et grâce, ö Dieu des cieux, Un grand pécheur implore ta clémence ; Use en ce jour de ta douceur immense, Pour effacer mes crimes odieux. Oh ! lave-moi, lave-moi tout entier ; De mon péché la tache est si profonde ! Toi seul, Seigneur, tu peux me nettoyer : Sur ta bonté tout mon espoir se fonde. Version Conrart-La Bastide |
Ces deux paraphrases ont été écrites en pleine connaissance du texte de Clément Marot. C’est pourquoi nous le donnons ci-après :
Misericorde au povre vicieux,
Use à ce coup de ta bonté immense,
Pour effacer mon faict pernicieux.
Lave moy, Sire & relave bien fort,
De ma commise iniquité mauvaise:
Et du péché, qui m'ha rendu si ord,
Me nettoyer d'eau de grace te plaise
Clément Marot
Les Réformés ont anticipé sur les traductions nécessaires au christianisme : dès le 17e siècle, l’Eglise catholique s’est moins méfiée des traductions de la Sainte Ecriture, et a autorisé la réécriture des psaumes sur le mode de la paraphrase.
Enfin, la paraphrase a donné des ailes aux esprits désireux d’une traduction moins littérale et plus poétique. De ce fait, elle a préparé les esprits à la sensibilité baroque, ou l’expérience émotionnelle compte davantage que la description.
Thierry BOBINET