Les psaumes - Panorama de l’hymnologie protestante Francophone
Panorama de l’hymnologie protestante Francophone
Jean Sébastien Bach a profondément marqué l’hymnologie protestante.
https://www.youtube.com/watch?v=7fNaMOtVUc4&ab_channel=BachComplete
Mais partons du début…
Paul aux Colossiens fonde l’hymnologie chrétienne : « …exhortez vous en toute sagesse par des psaumes et par des hymnes, chantez à Dieu dans vos cœurs les chants de l’Esprit sous l’inspiration de la grâce. »[1]. Et ce verset inspirera les réformateurs dans leur promotion du chant d’assemblée. Déjà Jean Hus à la fin du XIVème siècle, favorise le chant commun et initie un répertoire dans la langue du peuple. Il sera ensuite suivi par les frères bohèmes et moraves. L’œuvre d’Heinrich Isaac, qui meurt en 1517, exprime un équilibre entre musique populaire et musique savante, ce qui sera l’objectif de Martin Luther.
Luther et les chorals
Luther a appris la musique à Erfurt et il a une grande culture musicale. Il joue de la flute et du luth. Il lit et écrit la musique et il chante. Il est comme dans d’autres domaines assez conservateur et préfère les formes anciennes aux nouvelles tendances qui viennent d’Italie. A la maison, avec Catherine et ses enfants, il chante et joue fréquemment. Les chorals sont faits pour être chantés en chœur par les fidèles. Les paroles sont uniquement en langue vernaculaire. Ils se veulent simples afin d'être chanté et retenu par les fidèles. En 1524 est publié à Nuremberg le livret d’hymnes spirituels contenant 38 pièces en allemand dont 34 vraisemblablement de Luther. D’autres livrets paraîtront par la suite. . Luther qui propose des mélodies polyphoniques s’opposera à Thomas Muntzer aussi dans le domaine musical, ce dernier considérant qu’il n’y a qu’un Dieu et qu’il ne doit être chanté qu’à une voix ! Zwingli, quant à lui bannira le chant du culte, le chant devant rester dans le cœur de l’homme.
Les psaumes de la Réforme
C’est à la cour catholique de France que commence l’histoire du psautier calvinien. En 1533, Marguerite d’Angoulême, sœur de François Ier et reine de Navarre, incite le poète Clément Marot à paraphraser les psaumes. Celui-ci s’enfuira en 1542 à Genève, persécuté par la Sorbonne. Sa mort en 1544 interrompra provisoirement la traduction poétique du psautier. Jean Calvin découvre à Strasbourg au tournant des années 1540 (1538-1541) le chant des psaumes « à la luthérienne ». Martin Bucer préconisait en effet depuis 1525 le chant d’assemblée à l’unisson comme seule musique du service divin, en encourageant l’assemblée des fidèles à participer activement au culte en chantant des mélodies modales sans accompagnement instrumental [2]. Plus tard, Calvin va demander à Théodore de Bèze de poursuivre le travail de Clément Marot. Dans les années 1560 est publié le premier psautier complet, à 30 000 exemplaires !
Dans les mêmes années, Claude Goudimel, proche de Pierre de Ronsard, mettra en musique à quatre voix ces psaumes, destiné plutôt au chant de maison. Goudimel meurt à Lyon pendant le massacre de la Saint Barthelemy, ce qui mettra un terme sanglant au développement de la musique réformée.
La production de cantiques reprendra au 17e et 18e siècles avec l’adaptation en français de chants piétistes, moraves, méthodistes.
Psaume 42 : https://www.youtube.com/watch?v=RSDqkWr6XOY&ab_channel=CantiquesEPUdF
Comme un cerf altéré brame (texte original Théodore de Bèze, revu par R. Chapal, mélodie Genève 1551, harmonisation d’origine Claude Goudimel
Les chants du réveil au XIXème
Avec le rétablissement du culte en France fin XVIII, l’hymnologie protestante va être refondue. Le réveil au XIX va susciter un nouveau répertoire de cantiques.
« Sous l'influence de missionnaires anglais venus en France après la défaite de Napoléon, un "réveil" va se faire sentir dans le protestantisme français, avec une piété plus romantique. Les paroles ne sont pas forcément littéralement bibliques mais sont des poèmes ayant également un rôle catéchétique. Une importante production va voir le jour, le Psaume est en recul alors devant ces cantiques « du réveil ». Les auteurs sont nombreux et divers : Ruben Saillens, les Frères Wesley, César Malan, les moraves, les poèmes d'Alexandre Vinet, les cantiques populaires de la Mission McAll et de l'Armée du Salut…
Sous l'influence du pasteur Eugène Besier, des réponds vont être intégrés au culte réformé, sous la forme de chants dits "spontanés" car étant les mêmes dimanches après dimanche, ils n'ont pas besoin d'être annoncés[3].
Les mélodies sont simples et sont proches des chansons populaire du moment. Le recueil « Louanges et prières » commandé par la FPF dans les années 1930 fait une large place à ces chants du réveil.
https://www.youtube.com/watch?v=bJiWo8tk5Is&ab_channel=debrusja
Aujourd’hui
Que chante-t-on aujourd’hui dans les temples ? Les protestants restent très attachés à leur tradition et chantent prioritairement les chorals, les psaumes et les chants du réveil. Le recueil Alleluia publié en 2005 et utilisé dans les Eglises luthéro réformées les reprend. Mais il existe une production de cantiques nouveaux. Nous voulons mettre en évidence trois courants, qui ne sont pas tous aussi importants :
La musique savante
Déjà depuis l’époque romantique, la grande musique sacrée n’est plus écrite pour les offices et les cultes mais pour les salles de concert, musique qui est sacralisée à son tour, car c’est désormais au concert que les grandes messes se jouent devant un public bourgeois[4]. Face à la modernité (sécularisation, industrialisation) avec, pour revers, la nostalgie du passé, les pratiques liturgiques musicales s’inspirent plutôt de la musique du passé et boudent les évolutions stylistiques du temps présent. Georges Migot ou Marie Louise Giraud ont composés de très beaux cantiques mais ils sont peu chantés dans nos assemblées. Les harmonies dissonantes et les rythmes compliqués des musiques savantes modernes et contemporaines ne correspondent pas au besoin d’apaisement et de ressourcement qu’appellent les célébrations dominicales[5].
Citons en, particulier la cantate du Jubilé de la réformation de Samuel Sandmeier, spécialement écrite pour le 500ème anniversaire de la Réforme en 2017. Elle se situe dans le courant de la musique savante, vous allez l’entendre. Béatrice Very, auteur du livret avec Pascal Hubscher et Martin Luther, écrit dans l’introduction « La cantate est accessible à tous et trouvera sa place dans les concerts de nos chorales mais aussi au cours d’un culte ». Nous vous laissons en juger et au choix des liturges, telle ou telle partie pour accompagner le culte dominicale.
L’œcuménisme et l’intégration de cantiques « catholiques »
La multiplication des célébrations œcuméniques depuis l’instauration de la semaine de prière pour l’unité des chrétiens en 1908 ont fait que catholiques et protestants ont souhaité chanter ensemble. Ils ont partagé leurs répertoires et découvert chez l’autre des trésors musicaux. Les catholiques apprécient « A toi la gloire » et les protestants connaissent tous aujourd’hui Aube nouvelle de Jo Akepsimas et Tu es là au cœur de nos vies de Raymond Fau[6] et ces chants « cato » occupent une bonne place dans les recueils protestants.
Les communautés comme Thaizé et le chemin neuf ont été aussi largement contributeurs de musiques liturgiques dans le monde protestant.
Le courants d’origine américaine et le pop-rock chrétien
Dans les années 60, aux Etats Unis, un réveil qui touche les jeunes de la contre culture hippie appelle un renouvellement de la musique des cultes en intégrant le rock and roll et la musique pop de ces années là. Des artistes majeurs comme Johny Cash ou Bob Dylan ont contribué à ce mélange de Pop-rock et de message évangélique. Les textes sont des adorations et aussi des témoignages à visée évangélisatrice[7].
Cette tendance de la musique d’église débarque dans le monde francophone dans les années 70. Le mouvement « Jeunesse en mission » a sans doute été le fer de lance de cette évolution avec l’édition de « J’aime l’éternel », recueil de chants repris largement par les groupes de jeunes. Les chorales « Gospel » se sont multipliées et le R’nB, le rap et le métal n’ont pas épargnés nos cultes dans le souci qu’un public jeune y trouve sont compte. Ce mouvement touche plus les églises évangéliques que les églises protestantes historiques mais dans l’Eglise Protestante Unie par exemple, les Pasteurs Eric Galia et Joel Dahan animent le site cantiques.fr. qui fait une large place à ces styles de chansons.
Jean Luc Gadreau fait remarquer qu’aujourd’hui, ces chants sont d’abord des chants de louange et que l’aspect témoignage a été oublié, marquant « une mutation de l’évangélisation à la louange ». Toutefois, les Eglises évangéliques où on chante ces chants rythmés et moderne sont pleines de jeunes et de moins jeunes et cette musique se renouvelle dimanche après dimanche.
Aujourd’hui dans nos cultes
Des groupes font aujourd’hui un tabac auprès des jeunes. Il faut citer en particulier « Glorious » et d’autres. Personnellement, je reprocherai à ces chants des paroles assez pauvres, tournées exclusivement vers la louange.
La paroisse du Saint Esprit a pris l’initiative de lancer un concours de cantique en 2021 en proposant des textes qui sont des paraphrases de textes bibliques (citer).
https://concours.templedusaintesprit.fr/
Alors, faut-il introduire le rock’n roll dans nos cultes ?
Il y a ceux qui sont farouchement pour(le rock permet de toucher les nouvelles générations et de vivre des célébrations plus gaies, plus dynamiques) et d’autres, qui ne conçoivent pas un culte sans orgue et pour les quels le rock’n roll est assimilé à ces jeunes qui ne respectent rien. Le débat est ouvert.
Stéphane GRIFFITHS
Bibliographie
Luther, Yves Krumenacker, Ellipses, 2017
La réforme en musique, Ariane Massot et Rodolphe Kowal, n° spécial du Protestant de l’Ouest, septembre 2017
Introduction à l’hymnologie, James Lyon, Olivethan, 2008
Le psautier français, introduction, Réveil publications, 1995
Protestantisme et musique aujourd’hui Foi et vie, Février 2017, dont l’excellent article de JL Gadreau, Chanter pour parler à et parler de… Dieu
http://bibliotheque.ruedeleglise.net/wiki/Musiques_protestantes_aujourd%27hui
Statistiques du recueil Alleluia :
Musique du XVI, XVII 238, dont 16 avec des textes modernes, dont Luther : 8
Psaumes ,74
Chants du réveil : 65 (XIX)
Musique savantes : 11 (Musique difficilement chantable en assemblée)
Chants d’origine catholiques : 82, Taizé et chemin neuf : 11
Chants contemporains : 133
Chants évangéliques : 21
Négro spirituals : 17
[1] Colossiens 3, 16
[2] (Lyon p 53).
[3] Site de l’Oratoire du Louvres
[4] foi et vie, Beat Föllmi
[5] Pourquoi le cantique de Jean Racine de Gabriel Fauré n’est pas chanté dans nos assemblés alors qu’il est connu de toutes les chorales de France et de Navarre ?
[6] « Dans le monde protestant, certains les appellent un peu férocement les "akepsimiades" : tout n’est pas à rejeter mais certaines productions dépassent la désopilante caricature « Jésus revient » de P.Bouchitey dans « La vie est un long fleuve tranquille »(note 10, ruedeleglise).
[7] Saved de Bob Dylan, Alleluia de Léonard Cohen, Why me Lord de Kris kristofferson